Selon quels critères (dé)centraliser les interventions publiques
sur le marché du travail ?
Depuis la déclaration commune des ministres régionaux Marcourt et Vandenbroucke, le débat sur la régionalisation (ou décentralisation) des politiques du marché du travail n'a guère progressé. On peut même parler d'enlisement. Or, le choix du bon niveau d’intervention publique importe si l'on se soucie de l'efficacité de cette intervention.
On peut rechercher la centralisation ou, à l'opposé, la décentralisation par principe ou par idéologie. Ce n'est pas acceptable si la recherche d'efficacité est l'objectif. Il y a en revanche des arguments pertinents en faveur de la centralisation et d'autres en défaveur de celle-ci. Ces arguments sont de nature économique si tant est que le qualificatif "économique" est bien compris: la répartition efficace des interventions publiques est celle qui garantit le niveau de bien-être le plus élevé possible tenant compte des ressources collectives disponibles. Ce bien-être grandit d'une part si, à ressources collectives données, on rencontre mieux les attentes et besoins des citoyens (leurs "préférences"). Dans le contexte du marché du travail, cela se traduit notamment par moins de pauvreté et de chômage involontaire et une meilleure assurance face aux risques. D'autre part, dans certains cas, le choix du bon niveau d'intervention agit directement sur les ressources collectives requises. Epargner des ressources permet de les affecter ailleurs et l'on sait à quel point les besoins sont nombreux !
Ce numéro de Regards économiques identifie donc une liste d'arguments et les illustre à l'aide d'exemples. Pour chaque type d'intervention publique, une démarche rationnelle consisterait à évaluer la portée précise de chacun de ces arguments pour ou contre la décentralisation, pour ensuite établir un bilan de synthèse et décider. Cette démarche est difficile, mais possible et nécessaire.
De manière très succincte, la décentralisation, qui peut prendre diverses formes, permet une meilleure prise en compte des spécificités locales en matière d'attentes et de besoins. En outre, l'intervention publique requiert la collecte d'information (par exemple sur la disponibilité des chômeurs à l’égard du marché du travail). Fréquemment, le coût de cette collecte est plus limité ou la qualité de l'information est meilleure lorsque l'intervention se situe à un niveau décentralisé. La décentralisation a aussi ses inconvénients. Lorsque, et c'est fréquent, les décisions prises par une région affectent le bien-être d'une autre (à titre d’exemple, la diffusion d’une offre d’emploi par un organisme régional de placement peut favoriser l’appariement entre ce poste vacant et un demandeur d’emploi d’une autre région), on a besoin au minimum d'une coordination, voire d'une centralisation. Par ailleurs, il arrive que l'on épargne des ressources en menant une intervention à un niveau géographique plus large (grâce à des "économies d'échelle"). De plus, tant que les facteurs responsables du chômage sont essentiellement des chocs aléatoires (conjoncture, innovations technologiques, etc.), une assurance-chômage nationale est mieux à même de diversifier les risques qu’une assurance organisée au niveau régional. Enfin, des cadres législatifs et réglementaires hétérogènes compliquent la mobilité géographique inter-régionale et la gestion des entreprises implantées sur plus d'une région.
Ce numéro de Regards économiques applique enfin ces principes à la délicate question du contrôle des chômeurs. À quel niveau placer cette intervention publique compte tenu du rôle joué d'un côté par la sécurité sociale fédérale au niveau de l'assurance du risque de chômage et d'un autre côté par les régions en matières de politiques actives et de placement des chômeurs ? L'article n'a pas l'ambition de trancher le débat. En revanche, il cerne avec précision les considérations à mettre en balance.